Thadee
18 aôut 1696 : Inhumation de Thadée Canet, irlandais
- Les Loges (72) -
Il s'agit d'un cas particulier. Pas par sa rareté, car sans être courant, on en trouve souvent, même au XXème et XXIème siècle.
Pourquoi un cas particulier ?
1. Il y a une très grande variété dans la manière d'écrire ce prénom, pourtant relativement court. La liste de Vieux Prénoms donne :
Thaddé, Thadé, Thaddéas, Thadéas, Thaddéus, Thadéus, Thaddias, Thaddius,
Thadée, Thadéo, Thadie (12 formes pour un nom assez rare). Peu de formes féminines : Thadéa (et peut-être Thadéline , une forme comparable à Nico vers Nicoline, Pierre vers Perrine).
Dans les statistiques françaises du XXème siècle, on trouve 6 formes, toutes pour garçons :
Thadeus : 3 cas en 1925, 1927, 1929 et 4 cas en 1930, donc 13 en tout
Tadeus : Forme la plus fréquente avec Thaddeus, environ 200 cas en tout. De 1924 à 1943, employé presque tous les ans, mais jamais après 1943. Maximum en 1930, 24 cas.
Tadeuz (une nouvelle variante) : A peu près 50 cas, entre 1925 et 1945, avec un maximum en 1931, de 14 cas.
Thadé : 3 cas en 1924, 1930, 1945 et 4 cas en 1929.
Thaddée : 150 à 200 cas, dont le plus entre 1998 et 2005. Le maximum est 10 cas en 2004 et en 2005. Il s'agit de la forme la plus employée.
Thadée : Cette forme n'est trouvée qu'avant 1961. La plupart des cas entre 1925 et 1941, où le nom est présent tous les ans.
Par, je ne sais quelle raison, la popularité relative tombe autour de 1930. Il y a recrudescence à partir de 1998, mais seulement pour la forme Thaddée.
2. Les nombres assez faibles donnés ci-dessus sont remarquables car Thaddée (forme française originale) était un Apôtre, un des 12 apôtres du Christ ! Cela m'a amené à regarder les nombres de prénom d'apôtres attribués au XXème siècle. Je me suis limité aux noms dans leur forme originale donc sans variantes, sans compter les filles s'appellant Pierrette, Jeanne, Jacquine, etc... et sans tenir compte des apôtres presque) homonymes (Jacques, Matthieu/Matthias).
Barthelémy : De 1901 à 1930, une moyenne de 100, avec un maximum de 173, en 1903. Le minimum du siècle fut en 1969, 12 cas. Les dernières années, il y a 40 à 50 cas par an.
Simon : 150 à 300 cas par an, entre 1901 et 1975. Puis, en 1987, 2000, et au maximum 2357 en 1990. Après 1500 à 2000.
Thomas : Faible emploi jusqu'en 1960, avec tout de même, 100 à 200 cas par an. Puis, cela augmente rapidement pour rester, de 1990 à 2005, autour des 10.000 cas par an.
Mat(t)hieu : Mathieu, 150 à 200 cas par an, avant 1960 et augmentation jusqu'à 7.000, en 1986. Matthieu : débute en 1960, dépasse 3.000 en 1987 (la faute à Mireille ?). Après cela redescend vers 1000 à 1500 cas par an, de 2002 à 2005.
André : Surtout utilisé dans la première moitié du siècle avec un maximum de 18.000 cas en 1920. Après 1980, cela tourne autour des 300 cas par an.
Philippe : Moins de 1.000, avant 1934. Le plus d'emploi entre 1948 et 1975, avec plus de 5.000 par an et, en 1963, le maximum avec 26.000 cas. Après cela descend jusqu'à quelques centaines après l'an 2000.
Finissons par les 3 "canons" :
Jacques : De 1920 à 1967, plus de 2.500 cas par an. Maximum en 1946, avec 15.000 cas. De 1973 à 2005, moins de 1000 cas par an. Les dernières années, 120 à 150 cas.
Pierre : De 1901 à 1950, une moyenne de 10.000 (!) cas par an, au maximum 16.500, en 1930, et pout le moins 6.000, en 1916. Après, cela redescend jusqu'à un minimum de 2400 cas par an, autour de 1975. Les dernières années entre 2 et 3.000 cas annuels. Pierre a été attribué plus souvent dans l'année la plus faible que les 6 formes de Thaddée durant tout le siècle.
Jean : De 1901 à 1955, en moyenne, plus de 3.000 cas par an. Le minimum, en 1917, avec 11.300 cas et le maximum, en 1946, avec 56.000 cas. Ce n'est qu'en 2002 que le nombre redescend au-dessous des 1000 cas et c'est resté ainsi ces dernières années.
Même un apôtre comme Mathias (remplaçant pour les arrêts de jeu) l'emporte largement sur notre Thaddée, avec 25 à 70 cas, avant 1950, et une moyenne, de 1960 à 2005, de 700 cas par an. Et je ne compte pas, une nouvelle fois, les formes dérivées.
La question est donc : Qu'a fait Thaddée pour être si peu employé ? La cause est futile. Il portait un mauvais nom. Son vrai prénom était Judas et pour le distinguer de l'autre Judas (Iscariot) on parlait de Judas Thaddée ou de Judas, fils d'Alphée (ou de Cléophas).
Judas Thaddée était le frère de l'apôtre Jacques le Mineur. Après ce que son homonyme avait fait, le nom ne pouvait pas devenir populaire dans un monde christianisé. Le nom était pour toujours indissociablement lié au crime d'une personne nommé Judas. En entendant ce nom, le crime revenait tout de suite en pensées. "What's in a name" demanda déjà William Shakespeare.
Nous savons peu sur notre Thaddée. Il est nommé dans les évangiles, mais après la mort du Christ. On ne dispose que de légendes. Les légendes nous font souvent rire parce qu'elles sont peu dignes de foi. Cependant, elles contiennent, en général, un plus ou moins gros noyau de "vérité". S'il n'y a pas d'autres sources, on est bien obligé de voir si l'on peut en tirer des faits crédibles.
Les légendes disent que Judas Thaddée a accompagné l'apôtre Simon (parfois évoqué aussi comme son frère) lorsque Simon revint d'une expédition missionnaire en Egypte. Ils allèrent en Mésopotamie missioner avec un "grand succès". 60.000 adultes convertis. Logiquement, les religions et les cultes déjà présents au pays n'en étaient pas si content. Il y avait au pays deux magiciens, Zaroes et Arphaxat, très rancuniers envers Simon, lequel avait bien gaché leur commerce magique en Egypte. Ils arrivèrent à convaincre un bon nombre de prêtres d'un temple, d'une assez grande ville où les deux prêcheurs devraient venir, de s'allier avec eux. Dès que nos deux apôtres montrèrent le bout de leur nez, ils furent entourés, en un clin d'oeil, par 70 prêtres craignant le chômage. Simon et Thaddée avaient le choix : Abjurer ou mourir. Un vrai martyr ne recule pas et les prêtres et les magiciens tinrent leur promesse. Simon fut scié en deux (un tour de passe-passe très populaire chez les magiciens modernes mais, heureusement, avec des suites moins fatales et douloureuses que pour Simon). Thaddée, de son coté, fut achevé à coups de massue. Mais, la jeune religion réagit immédiatement. D'un ciel sans aucun nuage vint un super-éclair qui fendit le temple en 3 et carbonisa parfaitement les 2 magiciens (c'est ça que j'appelle la vraie prestidigitation).
On situe ces faits atroces vers 70, mais aussi vers l'an 80. La fête de Judas Thaddée est fixée au 28 octobre. L'église orthodoxe d'Orient l'a mise sur le calendrier le 19 juin. En Orient, Judas Thaddée est honoré bien plus qu'en Occident. La cause semble être l'Arménie. C'était le premier état qui embrassait le christianisme en 301 (ou 313). Donc, avant la "conversion" de Constantin le Grand. Et jusqu'à nos jours, malgré les souffrances amères de ce peuple (1915) et un encerclement assez hostile des Musulmans, ils ont gardé le christianisme. L'Église n'est lié ni à Rome, ni à Byzance ou à Moscou. Elle s'affiche comme "apostolique" et cela doit être pris au sens litéral. Les légendes indiquent que ce sont les apôtres eux-mêmes Barthélemy, Simon, et bien sûr notre Thaddée qui les ont converti.
Dans l'ancienne Arménie et son ancienne sphère d'influence, on trouve des églises dédiées à Judas Thaddée, telles dans l'île d'Akdawar, dans l'est de l'actuelle Turquie, et, surtout, une très belle église ancienne à Maku (Azerbeidjan). En France, à Marseille, il y a l'église Saint Thaddée et Saint Barthelemy, appartenant à l'église arménienne. Il y en a une à Paris ainsi qu'à Amsterdam et à Cologne. A cause des persécutions, les Arméniens sont éparpillés dans le monde entier. Le plus connu en France est, bien sûr, Charles Aznavour.
Pour être complet, il y a deux autres Saint Thaddée : Celui d'Edesse, un des 70 disciples qui évangélisait aussi en Mésopotamie, et Saint Thaddée de Constantinople, moine et martyr, mort en 818.