Bannière

Beraire

Illustration

16 septembre 1808 : Naissance de Marin Beraire Boulay
- Souvigné-sur-Même (72) -

Ne figure pas dans les listes de prénoms. Nominis ne connait pas de Saint Béraire. Cependant, il y en a au moins deux, et ils sont "du coin" : Les deux Saints Béraire ont été évêques au Mans.

Le plus connu est Béraire I, évêque de 654 ou 655 à 670. Il est décedé en 670 ou 673 (ça, je ne suis pas arrivé à le déterminer). Intéressant cet évêque ? Oui, bien sûr ! Son nom officiel, avec lequel il signe, est Berecharius. On trouve aussi Bérard. Il est né en Aquitanie, aux environs de Bordeaux. Son père est d'une famille des plus fameux chefs de bandes francques et sa mère est d'une famille sénatoriale de l'ancienne Gaule. Une combinaison que l'on retrouve souvent dans les familles puissantes. Une combinaison qui a sauvegardé beaucoup de la culture et du savoir romain.
Béraire succède, en tant qu'évêque, à Saint Hadouin. Il gouverne dans une période de paix relative (on est toujours en époque mérovingienne, n'est-ce pas). Piolin (qui m'a déjà été bien utile) dit que son autorité vient de la reine, Sainte Bathilde et de son époux,
Clovis II. Je comprends le respect de Piolin envers elle mais je doute qu'elle ait pu avoir autant d'influence. Piolin note, de plus, que les dernières années de l'épiscopat furent plus tumultueuses en raison des méfaits d'Ebroïn. Cela, c'est bien plus plausible.

Quels faits de Béraire nous sont connus ? Au début, il est décidé à faire chercher les reliques de Saint Benoit et de sa soeur, Sainte Scolastique, au Mont Cassin (Benevent, Italie), dans un monastère. Celui-ci fut ravagé par les Lombards, conduits par le Duc Zotto de Benevent, en 755. Ce monastère a été saccagé ou détruit plusieurs fois encore. La dernière en 1944, mais il fut reconstruit et sert toujours de monastère. En lisant l'histoire que raconte Piolin, on a l'impression que ce lieu était désert mais le site de l'Abbaye de Saint Benoit parle d'une habitation continuelle.
Béraire voulait avoir les reliques de ces deux saints et il envoie 3 moines en Italie. Ils firent halte à Fleury, près d'Orléans. Apprenant le but de leur voyage, l'abbé Aigulfe montra son enthousiasme et il envoya 2 moines en plus des 3 de Béraire. Ils arrivèrent à Monte Cassini, mais ne trouvèrent aucune relique dans les ruines. Dans ces histoires médiévales, il y a toujours le Ciel qui accourt et ils découvrirent 2 squelettes. Le Pape Saint Martin, entendant leur projet (par la CIA ou le FBI ?), envoie des soldats pour empêcher l'enlèvement. Le Ciel entre encore en scène et envoie un nuage noir qui cache les "voleurs français", lesquels s'échappent avec leur butin. Cette histoire est peu probable. Martin I (pape de 649 à 654) décède en 654. Il a été capturé par l'empereur de Byzance en 653, et banni en Crimée, où il décède. Il se peut que l'on doive remplacer Martin I par son successeur Eugène I (654-657) bien que, lui aussi, avait de la besogne par-dessus la tête avec le même empereur byzantin et l'hérésie du Monothelitisme (simplement dit : comment voir la nature divine et humaine du Christ).
Lorsque le cortège arriva près d'Orléans, il commence à pleuvoir des miracles. Pour distinguer les os de Benoit de ceux de Scolastique, on demande tout simplement un miracle. Une fille et un garçon récemment décédés sont disposés sur les os. La fille sur ceux qu'on croyait être ceux de Scolastique et le garçon sur les autres. Et les voilà ressuscités tous les 2. Donc (le mot le plus dangereux dans un raisonnement historique !), c'était clair. Fleury garde Saint Benoit, au grand regret de Béraire qui aurait bien voulu un bout de Benoit, lui aussi. Scolastique continue son voyage au Mans. Béraire était tellement convaincu du succès de son expédition qu'il fit construire, dès le départ de ses moines, un monastère pour Vierges et une église Sainte Scolastique. Il fit peupler le monastère par des filles du monastère de Sainte Marie où un membre de sa famille, Ada ou Adrechilde, fut abbesse. On peut dire que Béraire aimait bien vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué.

Quelques notes sur cette histoire de reliques.
1. Le monastère du Mans a été détruit par les Normands au IXème siècle. Les reliques avaient été translatées à Juvigny-sur-Loison (Meuse) où elles sont toujours.
2. Béraire était très moderne en chasseur de reliques car l'"explosion" du commerce de reliques débute surtout au IXème siècle.
3. Il y a eu longtemps conflit entre Fleury et Monte Cassini sur la question : "Qui détient les bons os ?". Des recherches et examens très précis ont été effectués sur les os. Ceux de Fleury sont certainement d'une même personne, de 75 ans, environ (Benoit, vers 480-547), qui mesurait 1m64, 1m65 (disons un peu comme votre président). Les données des recherches italiennes sont plus génerales, les ossements moins complets.

Au début du règne de Clotaire (657-658), Béraire demande et obtient de lui, et de la reine Bathilde, le privilège que, dans la ville et le pays du Mans, ni comte ni duc ne peut jouir d'une quelconque autorité s'il n'est pas élu par les évêques, les abbés, le clergé et les principaux habitants. Je m'imagine mal la force d'un tel privilège venant d'un roi mérovingien. Toutefois, Childebert l'a confirmé au début du VIIIème siècle. Piolin souligne que cela n'a pas perduré, surtout du fait de la politique de Charles Martel.

Béraire reçut un domaine magnifique : le domaine Ardelay (pays de Poitiers). Selon Piolin, il le reçut du roi à cause de leur vénération pour Gervais et Protais. Il est vrai que ces 2 martyrs de l'Italie avaient beaucoup d'églises en leur nom et pas des moindres. Plus tard dans l'histoire, ce domaine joura encore un rôle important.

Dans les dernières années de son épiscopat, Béraire était en conflit avec l'Abbaye de Saint-Denis. Cette abbaye avait obtenu le privilège du roi de prendre, chaque année, cent vaches sur le Conté du Maine. En outre, elle recevait les revenus de dix importantes metairies. Béraire se battit contre eux. Mais, trompé par de faux actes, chose courante à l'époque, il perdit ce combat.

Vers la fin de sa vie, Béraire se retira à Baurech, agglomération de Bordeaux, lieu de sa naissance, et y mourut. Son corps fut ramené au Mans et enterré dans la Basilique Saint-Martin de Pontlieue.